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L'Afrique postmoderne

  Résumés des Cahiers critiques de philosophie > n°11

Anatole Fogou : Autorité et pouvoir en Afrique « postmoderne » : à propos des « théories de l’indiscipline »
Les théoriciens de l’indiscipline expliquent les échecs des Etats africains dans leurs volontés de conduire leurs sociétés vers le développement économique et social, par l’indiscipline qui serait la caractéristique essentielle de l’africain. Au lendemain des indépendances en effet, les jeunes Etats africains se sont appropriés, en les adaptant, les images du monde, les savoirs et les savoir-faire, les concepts et les réalités venus d’ailleurs pour reconstruire et produire des trajectoires nouvelles et complexes du politique. Comment comprendre l’échec de cette tentative de modernisation ? Sans être essentialiste, il est question de savoir comment se vit ce qui se dit, d’aller au-delà de la forme idéale type. Il s’agit ici de montrer que l’intelligibilisation de l’autorité et du pouvoir en Afrique aujourd’hui implique donc que l’on interroge la capacité stratégique des tenants du pouvoir ou des sujets comme élément constitutif et structurateur d’un champ politique ; ainsi pourra-t-on peut-être comprendre leur souci de capter, de cumuler et d’user des ressources d’autorités à leur profit. De fait, les  théories de l’indiscipline qui se cristallisent dans les concepts  de « désordre » (Chabal et Daloz, 1999) et « d’indocilité » ou « d’indiscipline » (Mbembe 1998, 2000) sont-ils légitimes pour rendre compte des réponses que les sociétés africaines apportent au dialogue  Etat-société en Afrique ?

Jean-Rodrigue-Elisée Eyene Mba : L’émergence du post-moderne en Afrique : problèmes, enjeux et perspectives
Les sujets qui argumentent, agissent et dialoguent sont-ils neutres et désincarnés ou ne le sont-ils pas eu égard à leur environnement et contexte politique, économique, social, culturel, et surtout anthropo-biologique ? La communication n’est-elle pas gouvernée par un arrière-plan anthropo-biologique qui fait que l’allocutaire et le locuteur, au lieu de construire un contexte ou une culture de référence commune, réduisent la communication à un geste autistique en réduisant le consensus à sa force d’adhérence et à l’image psycho-sociale que chacun a de lui-même et des normes auxquelles il s’identifie ? La pragmatique de la communication, qu’elle soit universelle (Habermas) ou transcendantale (Apel), n’est-elle pas aveugle du désir de consensus qui l’anime et l’habite dans les interactions communicationnelles et la pratique sociale du langage ?  N’omet-elle pas que dans le débat, national ou international, il est impossible aux interlocuteurs de neutraliser la réalité des images sociales qu’ils ont d’eux-mêmes et des autres parce qu’ils font précisément dépendre d’eux-mêmes, de leur environnement verbal et social, la certitude concernant la légitimité des normes communicationnelles et l’objectivité de la dynamique de la vérité ?
Le présent texte tente d’élucider ce problème à partir de la critique anthropobiologique de la pragmatique universelle et de la pragmatique transcendantale formulée par Jacques Poulain dans De l’homme, qui permet de comprendre que, dans le contexte du capitalisme avancé, la communication ne suffit plus à régler les problèmes des hommes, qui ont tendance à cristalliser les interactions communicationnelles sur l’image qu’ils ont d’eux-mêmes pour régler d’eux-mêmes les crises de rationalité, de légitimation et de motivation que les institutions défaillantes ne parviennent pas à régler pour eux. L’enjeu est de montrer que Apel et Habermas semblent avoir omis que le sujet qui communique en argumentant son point de vue est gouverné par une confluence de facteurs psycho-sociaux qui font qu’il transfère sur lui-même et sur autrui ses perceptions, ses actions physiques et ses actions consommatoires, au point que se manifeste une forme de primitivisation du sujet communicationnel qui donne force aux stimuli nutritionnels, sexuels ou agressifs, lesquels transforment la situation communicationnelle en lieu d’indifférence sociale où se déchaînent mutuellement les affects des partenaires.

Jacques Poulain : La critique philosophique en Europe et dans le monde face à la mondialisation et aux terrorismes
Mondialisation économique, guerre des cultures et terrorismes de tous genres sont les différents visages que se donne aujourd’hui la crise de l’humanité. Ces phénomènes incitent la philosophie de tous continents à interroger la complicité, réelle ou supposée, qu’elle a avec ces formes diverses de l’irrationalité. Confrontée à elle-même depuis qu’Husserl la mettait face à « la crise de l’humanité européenne », elle doit reconnaître la fausseté de l’image de l’homme qui engendre ces crises, mais qu’elle a elle-même forgée : celle d’un homme, ennemi comme esprit de lui-même comme désirs et comme corps, celle d’un être humain qui doit assurer la maîtrise de lui-même et du monde.
Cette autocritique met pourtant toujours la philosophie au défi d’accomplir sa propre tâche : celle d’établir les conditions d’un jugement transculturel qui permette au dialogue transculturel des philosophies de reconnaître leurs propres limites et d’accueillir les vérités des autres, celle d’instaurer au sein de l’opinion publique internationale, comme dans les diverses universités du monde, une communauté cosmopolite critique.

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