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L'Europe en question

  Résumés des Cahiers critiques de philosophie > n°5

Geneviève Clancy : Esthétique de la violence IV : La dépliure des vives-voix
L’événement, le déploiement et la question de la présence qui cherche à donner un sens à la violence constituent le propos de La dépliure des vives-voix. On y analyse la question de la simplicité de la violence, on démontre qu’il n’y a pas de distinction entre présence et dissolution, on y retrouve la critique de la notion d’avenir en tant qu’attachée à celle d’homme. La problématique de la recherche du sens est assurée par le poétique dans la mesure où le langage prime sur la présence : « c’est la voix qui parle, annonçant la possibilité antérieure à tout nommer ».
La présence vocale et la présence écrite demeurent inconciliables et c’est justement l’impossibilité d’une résolution qui rend cette exigence si pressante. La présence en quête du sujet et de son absolu est celle qui permet que la violence se laisse voir « de manière esthétique ». La manifestation de la violence s’inscrit dans ce mouvement ambigu de la tension entre présence et attente « qui cherche en cette résonance de l’événement par l’acte poétique le sentir du réel pour la relation de violence comme métaphore ».
Dans l’effort poétique, la parole se fait des illusions sur sa possibilité de retenir ce qu’elle ne peut pas approcher, les images qui se donnent à voir sont vides : elle reste alors dans l’énigme, dans l’entre-voir. La violence se veut comme la promesse d’éclairer la profondeur de l’image et, dans cette promesse, vie et poétique s’unissent dans l’effort de dévoilement.
Pour que la présence revienne à sa persistance on a besoin de la déchirure opérée par les signes qui effacent la réalité pour laisser passer le sens.
La violence participe de la présence dans la mesure où elle « se donne comme le mystère que nous possédons du déploiement indistinct de l’intérieur et de l’autour » parce que la recherche de la présence c’est ce qui nous éloigne le plus d’elle. La présence crée le sens de l’acte mais elle ne le précède pas. On peut également définir la présence comme le sentiment de la disparition du partage entre l’humain et ce qui ne l’est pas.
La violence fonde la présence dans son pouvoir d’énonciation du sens de l’image, en dépassant la surface et en allant jusqu’à la profondeur de ce qui se donne à voir. Et pourtant sa tâche reste toujours inachevée. L’incommensurable, ce qui demeure indicible, relève ainsi de la présence.

Andrea Bellantone : Hegel en France : De Cousin à Hyppolite

La réception et la diffusion de l’œuvre de Hegel en France n’est pas — d’après l’auteur — une question concernant uniquement les spécialistes : cela engage des intérêts politiques et culturels qui regardent toute l’Europe.
Comme l’expliquait Benedetto Croce, aucune philosophie ne peut être réduite à un simple fait intellectuel : pour cette raison, la circulation de la pensée hégélienne en France représente un « moment essentiel de la vie spirituelle de l’Europe aux XIXe et XXe siècle ». L’absence même de l’influence hégélienne avant les années 30 représente un choix bien précis, un refus conscient.
L’auteur considère Hegel comme celui qui a permis le passage de la pensée moderne à la pensée contemporaine et, pour cette raison, sa révolution philosophique serait encore plus remarquable que celle opérée par Kant.
La philosophie française s’est confronté à Hegel et notamment à son idée de penser le vrai non pas seulement comme substance mais aussi comme sujet. Grace à la traduction et au commentaire de la Phénoménologie de l’Esprit de Jean Hyppolite, cet ouvrage a pu prendre la place de l’Encyclopédie des sciences philosophiques comme clé d’accès à la pensée hégélienne.
Victor Cousin avait donné une interprétation néoplatonicienne de Hegel ; il avait en effet l’intention de refonder la philosophie française en regardant vers l’Allemagne et vers la Grèce pour dépasser le sensualisme du XVIIIe siècle. La lecture de Cousin présenterait néanmoins des limites et des contradictions, notamment en relation au dynamisme et au devenir dans la pensée hégélienne. On peut remarquer aussi que l’analyse de Cousin ne rend pas compte de la logique dialectique.
A partir de 1835, le jugement sur Hegel en France commence à changer suite à la publication de la traduction d’un texte de Schelling où celui-ci engage une violente critique contre l’auteur de la Phénoménologie. Il lui reproche notamment d’avoir porté à ses extrêmes conséquences une « philosophie négative ». Ravaisson poursuit ensuite cette critique et définit la philosophie de Hegel coupable d’avoir réduit tout l’être à un ensemble d’abstractions sans vie, sa dialectique étant incapable de rendre compte du dynamisme du réel. Il établissait ainsi une démarche anti-hégélienne du spiritualisme français qui, jusqu’aux années 30, refuse tout dialogue avec cette pensée.
La médiation de Heinrich Heine et des hégéliens de gauche contribue à opérer une synthèse entre de nombreux intellectuels socialistes français et des catégories hégéliennes. En 1848, Hegel est identifié à une démarche révolutionnaire, ce qui amène les penseurs libéraux dominants de l’époque à le mettre à l’écart. Cousin finit ainsi par abandonner la pensée hégélienne en faveur d’un renforcement de l’analyse psychologique de sa philosophie.

Jens Badura : L’Europe comme aporie
L’article esquisse un concept de l’Europe qui la caractérise comme aporie structurelle, comme une absence d’issue définitive, comme une constellation dans laquelle on reste à la recherche et où on s’installe dans le provisoire. En ce sens, l’Europe est conceptualisée comme manifestation d’une impossibilité de répondre de manière définitive. Mais, en même temps, cette impossibilité sera qualifiée comme une chance parce qu’elle crée un espace de recherche dans lequel la pensée pourrait s’orienter et s’organiser à travers des différentiations multiples et indéterminables. Une capacité dont l’importance dépasse largement la question de l’identité européenne tout comme elle est indispensable pour une compréhension adéquate de la modernité. [L’auteur]

Jacques Poulain : L’identité culturelle européenne et son ancrage universitaire dans le monde contemporain
Face à l’échec des modèles socio-politiques américain et russe, l’Europe semble pouvoir se réapproprier de son rôle pivot dans le domaine de la culture et de la civilisation. Il s’agit aussi bien d’un processus universitaire et philosophique. A la base de la modernité européenne, il y a une culture du jugement critique à la fois théorique, pratique et esthétique. Mais, comme les conflits et les violences qui ont souvent eu lieu le démontrent, cette culture ne semble pas s’accorder à la raison.
Pour dépasser les difficultés de la modernité et chercher une unité politique et culturelle, on a besoin d’interroger l’identité philosophique européenne. Notre conception de la modernité est influencée par l’impossibilité d’abandonner le primat du sujet pratique sur le sujet théorique et de penser les choses autrement. En fait, nous nous trouvons confrontés aux limites de la modernité dès qu’on cherche à la réaliser.
Un autre héritage de la modernité européenne qui pose problème c’est l’articulation qu’on expérimente entre le monde, nous-mêmes et les autres par le langage et le consensus. Le résultat c’est une incertitude généralisée, une expérience négative qui amènerait à une auto-réfutation de la modernité. L’auteur refuse cette thèse et affirme qu’il existe des moyens pour l’homme de dépasser l’irrationalisme et le scepticisme qui provoque cette incertitude : il doit achever son identité culturelle à travers le fonctionnement du langage.
La modernité se pose donc comme la condition de possibilité de la transposition dans la vie pratique et esthétique de la leçon kantienne apprise dans la vie cognitive. Cependant il semble que le désir de connaissance de l’homme se trouve en effet refoulé dans une tentative d’autorégulation de la vie humaine, c'est-à-dire qu’on refoule la raison en même temps qu’on la met en place. Les pragmatiques philosophiques platoniciennes et animistes contribuent également à renforcer l’incertitude qu’elles voudraient éliminer.
Il est donc nécessaire de réactiver la raison pratique hérité de la modernité ainsi que d’éliminer les difficultés des pragmatiques pour pouvoir reconnaître la puissance constitutive transcendantale du langage. Pour conclure, l’université ne se pose donc pas comme une institution nécessaire, mais comme la seule forme de vie qui convient à l’homme dans la mesure où elle accomplit un travail de recognition de l’homme dans son concept.

Rada Ivekovic : Une Europe des mondes multiples
La réflexion de l’auteur sur l’Europe part de la nécessité d’une interrogation autour de son héritage colonial. Il y aurait bien de quoi craindre que l’Europe puisse se construire sur les bases d’un nouveau racisme adapté aux nouvelles conditions internationales.
Pour pouvoir maintenir son niveau de vie actuel, l’Europe (et l’Occident) pourrait continuer à mettre en place et à alimenter les inégalités internationales. Il faudrait prendre en considération l’échec historique de l’Occident, qui aurait provoqué une apathie politique inquiétante. Les contradictions sont loin d’être résolues et les revendications ne sont pas écoutées. Contre ce vieil empire il y a des  alternatives qui nous viennent du Sud et de l’Est du monde : ce qui devient nécessaire pour l’Occident c’est de renoncer à sa position surplombante pour inventer un nouveau rôle de médiation.
L’Occident doit reconnaître la nécessité politique de se mettre à disposition des autres comme un nouveau moyen pour se regarder elle-même. Le manque de compréhension  de cette nécessité a engendré un nouveau racisme. Ce qui manque à l’Europe ce sont les citoyens, dans les sens d’une catégorie nouvelle qui puisse dépasser « l’exception européenne » et préserver les lois et les droits des citoyens eux-mêmes. Il faut aussi une réflexion plus globale sur la justice, qui prenne en considération les différents cadres normatifs internationaux et les formes de souveraineté alternatives.
La citoyenneté doit s’élargir, devenir vraiment politique pour pouvoir garantir l’inclusion. La multiplicité des mondes devient de plus en plus évidente et une réflexion sur cette pluralité est nécessaire pour pouvoir achever la construction d’une Europe qui ne soit pas imposée d’en haut et qui rende compte des différences.

Philippe Soulez : Les mathématiques et le statut scientifique de la philosophie pour Bergson
La philosophie de Bergson a reçu des interprétations phénoménologisantes aussi bien qu’épistémologisantes : les deux ne sont pourtant pas inconciliables. A son tour, l’interprétation épistémologisante a été décrite selon deux versions : une version forte (la lecture d’Henri Gouhier) et une version métaphorisante.
Pour Bergson la philosophie est science : il n’y a pas de discontinuité entre physique et métaphysique. Dans plusieurs de ses textes il affronte le problème du déterminisme et de la dialectique entre corps et esprit ; la relation entre les deux ne se résout pas dans le déterminisme ni dans l’indétermination absolue, ni non plus dans un parallélisme. Ce que Bergson propose est une théorie positive qui voit le cerveau comme un organe de pantomime. Quand Bergson se réfère aux mathématiques à propos de Descartes, il faut entendre plutôt la mathesis universalis, bien qu’il n’utilise pas cette expression. Ainsi, quand il parle de biologie, il la considère non pas comme une méthode mais comme une opération à tenter dans le cadre de la modalité du « penser en durée ».
La différence entre Descartes et Claude Bernard introduite par Bergson repose sur l’idée que des méthodes différentes ont des conceptions différentes de l’explication. D’après Descartes (et Pascal), le processus ad infinitum  n’était pas un mode de pensée rationnel et il n’avait pas vraiment de légitimité.
Dans son œuvre Introduction à la métaphysique, Bergson explique que pour adopter la « pensée en durée » il faut invertir la direction habituelle du travail de la pensée : c’est la même inversion qui a rendu possible l’analyse infinitésimale de Newton.
Il se pose alors une question à propos de l’épistémologie chez Bergson qui n’aurait qu’une valeur métaphorique puisque pour lui la quantité est un état limite de la qualité et les mathématiques sont la science des grandeurs. La confusion qu’on fait aujourd’hui entre les opérations logiques et mathématiques semble justifier une interprétation métaphorisante de l’épistémologie de Bergson.

Philippe Soulez : De l’intégrité
Dans cette conférence prononcée à Balliol College (Oxford) en février 1994, l’auteur propose une réflexion sur ce qui « est demeuré intact ». Il y a néanmoins un certain rapport à la religion dans la notion de l’intégrité, comme le terme intégrisme (dans le sens de fondamentalisme) peut en témoigner. Il est intéressant de s’interroger aussi sur la valeur du temps comme facteur de désintégration. Enfin, le mot intégrité renvoie également à l’idée de l’honnêteté. L’auteur évoque aussi le parallèle posé par Raymond Aron dans Démocratie et Totalitarisme entre la corruption des régimes constitutionnels et pluralistes et celle des systèmes totalitaires.
On pourrait croire que les sociétés industrielles (communiste ou démocratique) ne peuvent pas être  vertueuses parce que leur objectif est la production, et que la frugalité n’est plus une valeur essentielle ni praticable. La conclusion que l’auteur tire à partir de la référence à la République de Platon est que la légalisation de l’inavoué, comme par exemple une éventuelle légalisation de la drogue, ne conduit pas toujours au nouvel équilibre attendu.
Mais encore, si on peut penser la transformation à partir de Platon, il ne nous donne pas accès à une pratique de la transformation. Pour pouvoir penser l’amélioration et la sortie de la corruption il faudra se tourner vers Aristote.
Les deux modèles, platonicien et aristotélicien, représentent en fait deux façons différentes d’organiser une réalité politique empirique.

Claudia Barrera : La matérialité de l’Imaginaire chez Gaston Bachelard
Dans l’épistémologie de Bachelard la matière et l’imaginaire représentent deux thèmes fondamentaux. Il s’agit pour lui de rendre compte d’un mouvement inductif à partir de l’expérience sensible. L’imagination est pour lui la faculté du sujet qui, à partir de la matérialité de l’univers, peut créer de l’esprit chez l’homme.
La qualité primaire de l’imaginaire c’est son mouvement, son dynamisme. Elle permet l’accès à l’esthétique aussi bien qu’au scientifique. En effet, la séparation entre épistémologie et poétique passe par la méthode avec laquelle l’imagination est utilisée : en science, elle construit, en poésie elle imagine et transforme. Ce qui ne change pas c’est que dans les deux cas, l’imagination instruit la matière pour permettre le déploiement de l’esprit. L’imagination permet en outre une « esthétisation de la morale » parce que c’est grâce à elle que l’homme peut mettre en place des critères de valeurs. L’image renvoie aux sentiments et à travers la métaphore elle complexifie et recrée le réel. Parler de l’imaginaire, c’est manifester à travers la métaphore le pouvoir de la parole comme source de création. Le langage et les images littéraires sont très importants parce qu’ils appartiennent à tout sujet.
Par volonté de l’imagination, la parole crée la matière, elle ajoute de l’esprit à la nature. Le poétique fait en sort que l’esprit soit constamment à la recherche de l’idéal et de la beauté.

Jean-Rodrigue-Elisée Eyene Mba et Irma Julienne Angue Medoux : De la « rupture radicale » comme fil conducteur de la culture postmoderne : Rorty, Nietzsche et Heidegger
Dans quelle mesure est-il disproportionné de référer le postmodernisme à la « fin de la métaphysique » que Heidegger a appelée de ses vœux en critiquant les philosophies traditionnelles et modernes ? A l’appui de Heidegger, le concept de postmodernité ne sonne-t-il pas théoriquement comme un aveu d’impuissance, un échec devant la métaphysique dont il ne parviendrait pas véritablement à s’affranchir ? Si Nietzsche a permis de voir que la fin de la métaphysique,  rimant avec la mort de Dieu et la destruction de la raison, coïncide non seulement avec la fin du fondationnalisme, de l’essentialisme et du représentationnalisme, mais aussi avec l’avènement d’un sujet dangereux dont l’ultime horizon existentiel n’est pas la quête d’une morale ascétique, ruineuse, mais plutôt la volonté et le courage d’assumer sa contingence, ses faiblesses dans le temps historique effectif et l’espace social spécifique, alors ne peut-on pas, philosophiquement parlant, le présenter comme l’artisan suprême et l’étalon unique du postmodernisme ?
L’objet de cet article est d’examiner la position du philosophe américain Richard Rorty sur la postmodernité. Il ne s’agit pas d’établir à la lumière de Rorty l’histoire du postmodernisme, mais seulement de vérifier, à partir de lui, que le concept de postmodernité tel qu’il est employé par une tradition de philosophes allant de Heidegger à Derrida en passant par Lyotard et Foucault, ne rend pas véritablement effectif la rupture avec la métaphysique. Le texte s’articule sur deux parties.
La première partie tente d’élucider comment le postmodernisme, dans son versant heideggérien, réactive la tradition logocentrique, et le lien établi par Rorty entre le Heidegger de Sein und Zeit et le second Wittgenstein qu’il relie à la pragmatique philosophique. La deuxième partie jette un pont conceptuel entre le nietzschéisme et le pragmatisme rortyen auxquels elle s’oppose, de façon générale, au postmodernisme en les assimilant aux théories de la rupture radicale. [Les auteurs]

Nielle Puig-Vergès : Une approche épistémologique de la notion de Conscience
A travers cette recension de l’ouvrage de Pierre Marchais intitulée La Conscience humaine, des flux énergétiques, réflexifs, interactifs et transcendants (L’Harmattan, 2007) on aborde la problématique : comment parler de la conscience? —  en cherchant à purifier ce discours de toute référence idéologique pour lui restituer une approche épistémologique.
Il est utile de rappeler tout d’abord le mérite de l’auteur, considéré comme l’un des rares exemples qui ont voulu inscrire le discours psychiatrique dans la réflexion épistémologique. Ses écrits portant, dans un premier temps, sur les études psychopathologiques, ensuite sur les aspects dynamiques et interdisciplinaires, se sont dernièrement focalisés sur l’articulation entre les aspects méthodologiques et théoriques permettant l’approche du fonctionnement physique et l’accès à la connaissance.
La Conscience humaine s’inscrit dans cette direction, notamment par le fait de poser la question sur la possibilité de proposer un modèle unitaire de ce phénomène qui est la conscience. Marchais situe la conscience entre les mondes biologiques et socioculturels parce qu’au-delà des apparences révélées par l’observation se cachent des « propriétés invariantes et leur combinaison dynamique ». L’auteur met également l’accent sur la dualité qui existe entre les phénomènes réels qu’on observe et ceux virtuels qui vont se recomposer dans la traduction de la réalité faite par l’observateur.
Dans la première partie du livre, il s’agit d’aborder la question méthodologique en proposant une stratégie générale qui repose sur ce que l’auteur nomme « l’approche unitaire ensembliste » qui rend possible la « méthode systèmale » : c'est-à-dire la considération du psychisme comme un système en relation avec son milieu.
On passe ensuite à une analyse des outils qui relèvent de la réflexivité psychique soit du point de vue de l’observé, soit de l’observateur.
La deuxième partie est consacrée aux phénomènes de conscience : la conscience réflexive (analysée selon les trois perspectives : descriptive, dynamique et structurale), la conscience transcendée et la synthèse, entendue comme la possibilité d’étudier la conscience « sur un mode réflexif logique et de manière intuitive et métaphorique ».
Ce qui est remarquable dans l’analyse de P. Marchais est qu’elle va couvrir un champ théorétique qui va bien au-delà du domaine psychiatrique. Il est également intéressant de noter le parallélisme décrit par l’auteur entre la conscience de l’observé et celle de l’observateur et l’intégration de leur environnement.
L’œuvre de P. Marchais met en avant l’ouverture à une approche issue d’autres champs du savoir au service d’une analyse ponctuelle capable de s’écarter de toute démarche idéologique.

Louis Ucciani : Directives pour le temps présent
Le livre de Jean-Michel Le Lannou La puissance sans fin (Hermann, 2005) se donne comme but la démonstration d’une possibilité du retour de la philosophie à la philosophie. Cela se pose en contraste avec l’actuelle tendance de la philosophie à renoncer à s’exprimer à travers sa propre langue et à se déterritorialiser.
La question de la subjectivité est également abordée dans la mesure où chacun d’entre nous s’interroge sur le réel, l’écart entre la contemporanéité  et ce qui la précède.
L’auteur explique la perte de la maîtrise pour « l’infinitisation » de la puissance qui « non seulement entrouvre la réalisation de l’être, mais plus gravement encore, conduit toute réalité à sa dissolution ». Pour pouvoir limiter cette puissance, une tentative de responsabilisation de l’homme se pose alors comme nécessaire, même si elle n’est que l’expression d’une inquiétude qui ne garantit aucune refondation. La solution proposée se présente néanmoins en opposition au détachement du monde schopenhauerien ; il s’agit au contraire d’une participation en acceptant de vivre dans le monde tel qu’il est et non pas dans un monde idéel. La seule possibilité pour l’individu, c’est de s’ouvrir aux flux des événements et d’abandonner toute fixité : tout cela conduisant à une nouvelle façon de penser.

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