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Henri Bergson: Réceptions

  Résumés des Cahiers critiques de philosophie > n°7

Stéphen Vaquero : La pensée politique dans l’Espagne de Baltasar Gracián  : Jeu et règles de la prudence à l’âge classique
Cet article a pour enjeu de définir l’une des caractéristiques de la pensée politique à l’âge classique qui se nomme « raison d’Etat ». Cette dernière ayant recours à une nouvelle conceptualisation de la notion de « prudence » fait l’objet d’une logique spécifique de la politique dans laquelle se traduit des nécessités liées aux actions du gouvernement que Machiavel avait déjà posées.  En développant les arguments soumis par les théoriciens de la raison d’état, l’article tend à dévoiler d’un côté pourquoi celle-ci échappe à toute connaissance pouvant lui prescrire une régularité dans l’exercice du pouvoir et de l’autre comment, à travers l’ouvrage de B. Gracian : Le politique. Don Ferdinand le catholique, s’articule l’herméneutique du jeu politique.

Antonio Negri : En relisant Hegel, philosophe du droit
En Partant du constat selon lequel est admis le contrôle de l’Etat sur le travail social, ce texte interroge Hegel afin de rendre compte de l’aspect contemporain du philosophe. L’analyse de la Rechsphilosophie de Hegel permet de tirer au clair le rapport qui lie le travail au droit, comment celui-ci se développe à travers le système de l’économie politique afin de mieux comprendre la subordination de la coopération sociale à l’Etat. Le texte démontre dans un deuxième temps qu’il y a chez Hegel non seulement la théorisation du processus capitaliste mais aussi l’utopie du capital qu’il développera par la suite. Dans un dernier moment, l’entreprise révolutionnaire de la classe ouvrière de 1870 et de 1917 est évoquée pour témoigner de sa réorganisation en tant qu’institution capitaliste bien qu’elle soit pourtant celle qui rompe avec le lien coopération/subordination à travers le refus du travail.

Eric Lecerf : Le ressaisissement métaphysique comme figure concrète de l’émancipation
Le texte commence par un hommage à la méthode Bergsonienne afin de rendre compte des principes théoriques sur lesquels Georges Sorel, disciple de Bergson, est parti pour reconsidérer les fondements métaphysiques de la théorie du communisme. S’ensuit une biographie de Sorel qui, en outre, expose les raisons pour lesquelles ce dernier s’est engagé politiquement dans un versant révolutionnaire. Le texte détaille les critiques que Sorel a adressées aux socialistes marxistes de son époque et nous livre en même temps la pensée métaphysique de ce dernier qui, ayant saisi les virtualités suspendues dans l’œuvre de Bergson, s’est orientée vers un réel concret qui, selon lui, n’est qu’autre que le travail.  A travers plusieurs articles rédigés par Sorel, le texte dénonce comment celui-ci, à partir d’une critique de l’évolution créatrice, a pensé une philosophie du travail et ainsi réfléchi aux deux attitudes qui ont tendance à le qualifier comme aliénation/émancipation, pour finir par évoquer, à partir de plusieurs ouvrages de Bergson, dans quelle dynamique celui-ci situe le travail.

Jean-Marc Levent : L’interprétation marxiste du bergsonisme dans l’entre-deux-guerres
L’enjeu de ce texte est de relever les critiques marxistes que Georges Politzer et Paul Nizan ont adressés aux œuvres de Bergson. En reprenant l’opposition de la nature et de l’existence qui sont au fondement de la philosophie Bergsonienne cela permet à la fois de témoigner en quoi cette dernière ne s’est pas préoccupée effectivement d’une philosophie de l’histoire humaine mais aussi de lui opposer le jugement politique de G. Politzer. A partir du livre de G. Politzer : La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme,le texte illustre les réfutations de la métaphysique et de la théorie de la connaissance de Bergson afin d’expliquer pourquoi ce dernier fut à ses yeux le représentant de la philosophie bourgeoise. Le pamphlet de Paul Nizan : Les chiens de garde est cité comme étant dans la même voie que celle de Politzer et fait l’objet lui aussi d’une critique du philosophe.

Georges Navet : Le bergsonisme d’Albert Thibaudet
Albert Thibaudet publie Le Bergsonisme en 1923. Il déclare avoir voulu suivre un certain nombre de « directions d’esprit » venues de Bergson, et avoir traité dans cet esprit des questions que le philosophe a laissées de côté. Ces questions portent à l’époque principalement sur l’esthétique. Thibaudet va de la sorte être conduit, en recourant il est vrai à Schopenhauer et à sa façon de penser la musique, à distinguer intuition philosophique et intuition artistique, apportant ainsi un fondement théorique à son activité de critique littéraire à la NRF. [L’auteur]

Patrice Vermeren : 1949 : déclin et mort du bergsonisme ?
Il s’agit pour cet article de décrire les courants de pensées qui dominent la philosophie durant l’époque de l’après-guerre. Un exposé sur les deux conférences de Jean Hyppolite au Congrès National de philosophie de Mendoza nous livre les arguments constituant le problème du sens de l’histoire auquel se heurte la philosophie contemporaine. Il dénonce à travers certaines critiques, d’une part la synthèse du bergsonisme et de l’existentialisme — que décèle la traduction française de La phénoménologie de l’esprit de Hegel qu’opère Hyppolyte — et d’autre part l’impossibilité pour Marx d’avoir pensé l’histoire comme l’a pensée Hegel. L’énumération des différentes postures dans lesquelles s’est constituée l’idéologie bourgeoise permet de situer et de qualifier le bergsonisme comme « l’expression idéologique du déclin de la bourgeoisie »,  d’expliciter en quoi la philosophie de Bergson va à l’encontre du développement de l’histoire et d’énoncer les arguments de certains communistes qui font de l’existentialisme Sartrien l’héritier du bergsonisme. Cet article termine par des philosophes comme Henri Gouhier et Georges Canguilhem afin d’apporter la voix de ceux par qui le Bergsonisme a fait son retour dans l’histoire de la philosophie.

Manuel Mauer : Levinas, lecteur de Bergson
Levinas conservera à vie les traces de sa rencontre avec le bergsonisme lors de ses années d’étudiant à l’Université de Strasbourg. Aussi affirme-t-il à diverses reprises devoir beaucoup à Bergson dans « ses modestes initiatives spéculatives » (EN 236). Cependant, malgré ces quelques références au philosophe de la durée, la source bergsonienne de sa pensée est souvent passée sous silence chez la plupart de ses commentateurs. Cette relative indifférence s’explique peut-être par l’abîme qui sépare — en apparence au moins — ces deux philosophies. En effet, la pensée levinassienne promeut l’éthique au rang de philosophie première. Levinas est le philosophe de la transcendance, de la remise en question de la liberté par la responsabilité pour Autrui, de la mise en échec du savoir par l’épiphanie de son visage. Bergson, pour sa part, ne s’occupe directement de la morale que dans son dernier ouvrage Les Deux sources de la morale et de la religion. Penseur de l’immanence, il fera du degré de liberté de l’agir humain sa marque distinctive et cherchera, par-delà le criticisme, à renouer avec le projet d’une connaissance absolue, connaissance qu’il définit comme coïncidence avec l’objet connu. Cela dit, comment justifier la revendication par Levinas d’une fidélité au bergsonisme ? Jusqu’où sa pensée resterait-elle proche des thèmes bergsoniens ?
Cet article est consacré à essayer de dégager ces différents aspects de la philosophie de Bergson sur lesquels Levinas prendra appui au moment d’élaborer son œuvre d’auteur, tels, par exemple, la critique bergsonienne de l’espace — que Levinas lit comme une rupture avec le primat traditionnellement accordé au Même par la philosophie occidentale —, les analyses bergsoniennes de la durée — où Levinas y trouve la mise en place d’un nouveau mode d’intelligibilité, défini comme débordement et non plus comme adéquation —, ou la notion d’élan vital — qu’il mobilisera contre l’être-pour-la-mort heideggérien. [L’auteur]

Jurandir Freire Costa : Bergson dans le monde de Philip K. Dick
Une présentation générale de la pensée littéraire de Philipe K. Dick mène à l’enjeu de ce texte qui tend à relever les motivations intellectuelles de l’écrivain de science-fiction pour en établir un lien de proximité avec la pensée de Bergson, notamment sur le thème de l’éthique. Trois analyses sur le caractère conceptuel des récits de Ph. K. Dick suivront. La première montre comment Ph. K. Dick se rapproche de Bergson en exposant la déconstruction, qu’il opère lui-même,  de la notion de réalité, de subjectivité ainsi que celle de temps. Incluant les constats de la première analyse, la seconde consiste à les relier au concept d’action de Bergson.  Ainsi en les développant ensemble à travers quatre figures de la subjectivité inventée par l’écrivain, il s’agit de montrer comment chez ce dernier, la liberté du sujet est en rapport avec son action dans le monde. La troisième analyse tâche de montrer comment l’auteur invite le sujet moral de la société à se déplacer vers une morale de l’humanité.

Jean Borreil : La Mirada ou La tendresse du regard. Peintures de Matieu
Le texte donne la parole à un art de la peinture qui se définit dans un premier temps selon le point de vue de Léon Battista Alberti. S’appuyant par la suite sur une description détaillée des Ménines de Velasquez, le texte insiste sur ce qu’a cherché à montrer le peintre à travers le tableau. Ce dernier, pris dans une logique de la sensation et s’opposant à un réalisme profond, donnera lieu au développement d’une histoire de l’art telle qu’elle est apparue au tournant du XIXe et XXe siècle. Le renversement du statut social du peintre notamment la place que ce dernier occupe dans le monde du travail ainsi que la théorie du peintre imitateur déjà soulignée par Platon y jouent un rôle prépondérant. Ce faisant, est abordé le nouveau langage de l’art : comment et par qui ce dernier s’expose à l’ère de la modernité?

John Fergusson : : Δινος sur les planches et Δινος
En partant d’un extrait des Nuées où Aristophane emploie le mot dînos — qui désigne un vase rond — récusant la puissance des Dieux dans l’explication des phénomènes naturels, puis en relevant certains passages des poèmes d’Euripide où apparait le mot dinaî, le texte commence par identifier la théorie philosophique à laquelle se réfère Aristophane et recherche qu’elle est la source de certains poèmes parallèles chez Euripide.  Affirmant que le mot dînos signifie l’expression relative au mouvement circulaire tel un tourbillon (vortex) ou remous d’eau, le texte poursuit un développement des spéculations opéré depuis le pré-socratique  Anaximandre  jusqu’à Aristote afin d’exposer comment et où cette analogie s’est appliquée à l’intérieur du monde et pour rendre compte d’une partie de la cosmologie grecque. Le texte finit par expliquer les nouvelles découvertes du XXe siècle apportées par la théorie du vortex. Théorie elle-même reprise dans les domaines de l’hydrodynamique et de l’aérodynamique.

Jean-Hérold Paul : Mathématiques et sciences de la nature. La singularité physique du vivant
Le texte est une présentation du livre scientifique de Francis Bailly et Giuseppe Longo. Ces derniers ont pour objectif une nouvelle conceptualisation de la phénoménalité biologique. Tout en considérant le caractère physique des phénomènes vivants pour répondre à leur intelligibilité biologique, les deux auteurs admettent les difficultés intrinsèques des théories physicalistes à saisir les phénomènes qui permettent de maintenir des états matériels comme ceux du vivant dans l’étendue de l’espace et du temps physique bien précis.  Francis Bailly et Giuseppe Longo opèrent une fissure au cœur de la connaissance scientifique en se démarquant de la construction théorique courante par un jeu complexe de départage et de synthèse entre physique et biologique. Le texte développe l’attitude critique de l’objectivité scientifique auquel aspire l’ouvrage des deux auteurs afin de démontrer une épistémologie de la biologie et les rapports entretenus entre les fondements des mathématiques et ceux de la physique.

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